Le journal Breiz (puis Breiz, puis Breizh)

Le premier numéro date de décembre 1956. Ce mensuel était d’abord l’organe de la confédération Kendalc’h qui, d’après ses statuts était « une union des fédérations culturelles, artistiques, folkloriques et sportives de Bretagne, dont il a pour but de coordonner les activités » (sic).
Les articles traitaient donc aussi bien du fonctionnement de la confédération que de la fédération des cercles celtiques, de la B.A.S, des concours du Bleun Brug ou de l’UFOLEA (écoles laïques)…
La défense de la langue (bretonne, evel just) était également très présente.
Par la suite, après les diverses scissions, le journal deviendra la revue de Kendalc’h (cercles et chorales) prenant une vocation nettement culturelle et visant un lectorat élargi.
La parution cessera au début des années 80 tant il était difficile de poursuivre l’édition d’une telle revue sur la base du bénévolat.

être adhérent d’un cercle

« Les garçons et les filles qui ne viennent dans les cercles et les bagadoù que pour s’atiffer ou souffler dans les binious ne sont pas dignes d’être chez nous. »

« Nous faisons partie d’un cercle celtique, nous ne voulons pas faire partie d’un groupe folklorique. »

« Des déguisés !
Sommes-nous bien sûrs de ne pas en avoir parmi nous ? Ne l’est-il pas ce type recruté à la hâte pour un défilé ? Ne l’est-il pas, ce danseur ou sonneur qui, en tournée, reste bouche bée lorsqu’on l’interroge sur ces questions élémentaires touchant l’histoire ou la géographie de son pays ? »

« N’a-t-il pas une mentalité de déguisé, ce groupe qui ne prend vie qu’en mai ou juin (reprise des activités en vue des déplacements lira-t-on dans le journal). Déguisés aussi ces groupes qui ignorent ce qu’est une veillée, un cercle d’études, une conférence ou une recherche de chant ou de danse de son pays… » 

Le cercle idéal, à cette période était une sorte d’école où l’on apprenait la Bretagne. On y organisait des conférences, une bibliothèque était souhaitée, des cours de langue (bretonne, évidemment, le gallo n’était pas lingua grata) mis en place… La danse était vue par les dirigeants comme un divertissement, une récompense en somme. Mais bon nombre de jeunes adhérents ne voyaient que le côté ludique du cercle et surtout les sorties !
D’où la déception de certains cadres…
Ce n’est pas de nos jours que l’on verrait un danseur ne venant que pour danser ou ne sachant pas les rudiments d’histoire de la Bretagne ! Alléluia !
Les temps ont bien changé vois-tu…

 

Mais c’est quoi, être Breton ?

« Quoique adulte, je lis toujours Breiz avec beaucoup d’intérêt. Ne possédant dans mes veines aucune goutte de sang breton, j’ajouterais que j’ai été élevé dans ce pays qui est devenu le mien et mon âme, à défaut, est totalement bretonne. » 

« Oui, c’est par contraste que nous sommes Bretons. Race sérieuse, digne, courageuse, parfois triste, souvent aussi très gaie, race respectueuse de tout ce qui mérite le respect.
Être Breton, c’est être grave et méditatif et pourtant sentir son cœur bondir de joie dès que sonnent les biniou et que garçons et filles se rangent pour la danse… »

Deux visions de la bretonnitude : le breton « de cœur » comme disait Glenmor et la vision cartepostalistique du Breton accroché à sa terre avec les caractéristiques qui vont avec…
Chez nous il pleut souvent, donc nous sommes moroses…

 

L’épineuse question des fêtes et spectacles

« Les fêtes folkloriques, nous sommes fiers d’y participer, bien sûr, mais surtout de porter un costume breton qui est le nôtre… »

« Les fêtes folkloriques sont nécessaires pour nous faire connaître, pour faire marcher le commerce et pour faire vivre les cercles. Et les jeunes Bretons s’intéressent aux problèmes bretons. »

« Il en va de même pour Kendalc’h qui défend les valeurs bretonnes, littéraires, spirituelles et sociales. Il est absolument évident que cette défense débouche sur autre chose que des spectacles à la belle saison.
à chacun de ses membres de prendre en conscience les décisions qu’il juge les plus honnêtes… Le folklore n’est pas, ne pourra jamais être qu’un des aspects de la Bretagne. Ceux qui s’en contentent prennent le secondaire pour l’essentiel, c’est très grave… »

« Kendalc’h est à un tournant et il lui appartient de se renouveler tout à fait, de faire peau neuve.
Je ne dis pas qu’il faille abandonner les mascarades qui ont nom fêtes folkloriques. Elles constituent désormais un spectacle affligeant. Mais si le public n’est pas encore lassé, les acteurs, eux, en ont marre ! »

« Très bon spectacle. Mention spéciale au groupe d’Orvault. Il a su présenter un spectacle (j’insiste à dessein sur ce mot) de niveau international. Il soutenait la comparaison avec le groupe yougoslave. Bien sûr, la formule basée sur un enchaînement de danses de toute la Bretagne ne peut être adoptée par tous les cercles, mais lorsqu’on voit au cours d’une même soirée, un même cercle passer sur scène plusieurs fois et se cantonner dans les mêmes danses, ça manque vraiment d’intérêt. Les danses vannetaises me prennent tout entier lorsque j’en suis, mais, spectateur, il y a des laridés qui me paraissent interminables… »

« Pourquoi ne pas laisser à quelques troupes conçues pour cela le soin de représenter la Bretagne sur les planches ? »

« Observations générales après le concours de 1963. Trop de chapeaux atterrissent sur le plateau. Il faut porter des lanières pour les chapeaux trop grands.
Éviter les talons aiguille.
Éviter de porter des lunettes pour la danse, sur le podium. On peut se passer de lunettes pour danser.
Dans les entrées et les sorties, évitez la danse où la danse est trop étriquée.
Attention aux chaussures sales, un coup de brosse avant le passge sur scène.
Les sonneurs doivent rester à leur place au micro jusqu’à la fin de la danse et ne pas fuir le micro entraînés par la danse derrière les danseurs qui sortent du podium. »

C’est un peu fourre-tout, c’est vrai. Mais intéressant, non ? Les ras le bol de certains de voir se répéter le même type de spectacle : trois danses à la suite et au suivant…
La recherche d’un autre type de présentation.
Et les chapeaux voyageurs, les godasses sales, les talons aiguilles … Les talons aiguilles ! Mais pourquoi les a-t-on abandonné ?

 

Et si on parlait économie ?

« Un peu d’économie. Pour défendre nos valeurs culturelles, il nous faut lutter sur le plan économique. Quand les Bretons bénéficieront d’une productivité qui leur permettra de travailler 40 heures à un salaire décent sans s’expatrier, alors on pourra songer à leur apprendre à tous le breton pendant leurs loisirs. »

Une seule remarque : il faut qu’ils soient d’accord ! Pour le breton, bien sûr, pas pour les salaires décents. Mais je ne suis pas sûr que le monsieur lecteur connaissait bien le milieu ouvrier.

« Monsieur,
Vous avez passé un article dans un précédent numéro qui parlait notamment de conserver dans l’architecture actuelle un style ou du moins un cachet breton. J’ai été assez embarassé pour répondre à des copains. Par exemple : comment concevez-vous une cuisine moderne en Bretagne en tenant compte du confort ? »

Vaste problème, my dear !
Merci de nous poser la question.

 

Les festoù-noz ?

« La présence de nombreux jeunes et leur comportement m’amènent à poser la question : que seront les festoù-noz dans quelques années ?
Ils se caractérisent par :
Une ou deux danses propres au pays et seulement celles-là.
Le fait que tous les danseurs faisaient le même pas : celui du pays.
Or, les anciens disparaissent et les jeunes sont pour beaucoup des « itinérants » qui vont d’un fest-noz à l’autre.
D’où :
– Importation de danses étrangères au pays,
– Importation pour une même danse de pas étranger au pays,
– Risque de transformation des festoù-noz en bal breton,
– Risque de voir les danses se dénaturer en s’individualisant, en perdant leur caractère de masse. »

Mais c’est vrai, ça. Si on avait laissé seulement les vieux danser aux festoù-noz, il n’y aurait pas eu de « mauvaise » évolution. Bon, il n’y aurait plus de festoù-noz non plus, d’ailleurs, donc plus de problème d’évolution. J’ai un peu mal à la tête, là.

« Je ne suis pas contre la guitare, l’harmonica, l’accordéon ou la clarinette, mais le plaisir qu’ils procurent leur est propre et ne remplace pas celui qu’apportent le kan ha diskan, le biniou kozh et la bombarde… »

Le fest-noz à 6 francs…

« La question reste posée et le pauvre dirigeant de cercle qui se risque à organiser un fest-noz dont l’entrée est supérieure à 5 francs se voit reprocher sa rapacité. Des sonneurs m’ont laissé entendre qu’ils ne sonneraient plus pour nous si nous maintenions nos tarifs.
à ceci je fais remarquer que depuis 3 ans les prix d’entrée aux festoù-noz n’ont pas changé et que, par contre, les tarifs des chanteurs et sonneurs ont considérablement augmenté. Un couple de sonneurs demande actuellement 300 francs. Comment des gens dont les tarifs ont doublé depuis 3 ans osent-ils tenter de nous imposer un prix d’entrée ? ».

Eternelle querelle entre artistes et organisateurs. Mais quand même, 0,90 € l’entrée…

 

Petites vexations

« Un jour de cette année le cercle de Châteauneuf-du-Faou devait se déplacer en Belgique. Quelques jeunes durent à cette occasion se faire tirer des photos à apposer sur leur nouvelle carte d’identité. Elles crurent naturel de revêtir pour la circonstance le costume de leur région. La mairie accepta les photos et les transmit à la sous-préfecture de Châteaulin. Surprise : la préfecture les refoula.
Nous ne savons pas si le ridicule tue encore en France, il ne tue certainement plus à la sous-préfecture de Châteaulin. Une question vient aussi à l’esprit : un costume national identique de Dunkerque à Tamanrasset est-il désormais obligatoire pour aller se faire tirer des photos d’identité ? »

Ah oui. C’était encore la France de Dunkerque à Tamanrasset chère à qui vous savez. Enfin, on essayait de sauver les meubles.

« Un père de famille d’Ille-et-Vilaine tenait à donner un prénom breton à son fils.
Le prénom choisi, l’heureux père est allé trouver le préposé de l’état civil de sa commune pour lui dire : ou bien vous acceptez le prénom breton que je veux donner à mon fils ou bien je lui donne les 365 prénoms du calendrier grégorien. Vous n’avez pas le droit de limiter le nombre, vous le savez. Et je vous précise que je viendrai tous les mois vous demander un extrait de naissance.
Le préposé a écarquillé les yeux et s’est empressé d’inscrire le prénom breton. »

Une piste pour éviter toutes les tracasseries toujours bien présentes ? « Fañchement » intéressante !

 

Fâchée, la dame !

« Monsieur, ça ne peut plus durer.
Déjà à plusieurs reprises j’ai trouvé dans votre journal des attaques contre Rome et la civilisation romaine, à laquelle nous devons certainement le meilleur des qualités de notre race. Vous parlez des « soudards de César » de qui nous descendons quand même un peu, avec un mépris que je ne saurais accepter. Or, j’ai passé 36 ans de ma vie à m’efforcer de faire aimer à des jeunes le latin et la latinité, sachez-le, monsieur.
D’autre part vous faites état des attentats du FLB et vous ne les désapprouvez pas.
Enfin, que signifie ce jumelage avec la Cornouaille britannique ? Je ne suis pas d’accord. Je n’aime RIEN de ce qui vient d’outre-Manche, que ce soit celtique ou non : c’est ANGLAIS.
Par suite, je vous serai obligée de cesser de m’adresser votre journal. »

Vaut peut-être mieux qu’elle se soit désabonnée ! Rappelons qu’aucune des deux confédérations n’a jamais soutenu d’attentats.

 

Et v’la le bout !

Soixante et quelques années plus tard, nos préoccupations ont-elles vraiment changé ?
Quel est le rôle d’un cercle, que venons- y faire ou y chercher ? Faut-il se présenter à un public qui ne souhaite qu’une vision « carte postale » ? Et le rapport à l’argent ?
Allez, on se redonne soixante ans pour y réfléchir. Renouvelables bien sûr…

Easter Egg spécial 18 avril

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