Extraits de la convention triennale de Kenleur

Ancrer la jeunesse comme pilier du projet associatif

L’une des caractéristiques de la culture bretonne, populaire par nature, a toujours été son côté intergénérationnel. Cela reste vrai dans la pratique d’une majorité d’activités mais les mutations de la société font que la transmission devient parfois aléatoire. Pourtant, si cette chaîne est rompue, notre patrimoine est, à plus ou moins long terme, condamné.

Il nous faut donc – et c’est vital – pallier cette insuffisance grandissante en donnant les moyens aux encadrants de nos enfants de transmettre cette matière de Bretagne et de ne pas sombrer dans ce qu’Eugène Guillevic appelle « le danger de l’effacement dans le partout pareil ». Il nous faut donc former au mieux nos moniteurs afin qu’ils soient des passeurs de culture et non de simples animateurs d’activités physiques. Il faut ainsi qu’ils soient très exigeants sur la qualité de leur enseignement mais aussi sur la qualité artistique des prestations proposées. Un spectacle d’enfants n’est pas un spectacle d’adultes au rabais. Une expérimentation sur le pays d’Auray, puisant son inspiration dans les réussites basques,nous montre que le niveau d’exigence peut augmenter. Dans la même veine, il nous paraît essentiel de guider les moniteurs pour mieux les accompagner, artistiquement et pédagogiquement, et ainsi augmenter la qualité des enseignements. Nos cercles sont déjà, incontestablement, de formidables écoles du vivre-ensemble, il faut aujourd’hui qu’ils deviennent aussi de vraies écoles de danse.

Il nous faut aussi élargir notre champ d’action en touchant davantage les écoles. de Bretagne. Les outils de transmission sont nombreux (Jibidi, Famille Pikett’, livre de contes avec fiches pédagogiques, collection de jeux culturels Brocéliande) et permettent un complément pour de nombreuses matières : éducation sportive, histoire, français… Mais ne nous leurrons pas, il faudra aller plus loin et influer directement sur les programmes scolaires pour que l’imprégnation soit suffisante afin de permettre un réel choix d’acceptation ou de refus par les enfants de Bretagne.

D’autres régions (Pays basque, Corse…) ont réussi cette transmission aux scolaires, pourquoi pas nous ? Car, être bien dans une culture choisie, c’est être ouvert au monde, sensible à la diversité culturelle et tolérant : une part harmonieuse de l’humanité, en somme. Dans une société menacée par la globalisation, l’enjeu est ici fondamental pour l’avenir de la Bretagne et passera par le développement d’un réseau d’intervenants et une adaptation des programmes scolaires aux spécificités locales. Kenleur entend s’investir pleinement dans cette voie.

Sauvegarder pour transmettre

Collecter est chose essentielle, partager le résultat l’est plus encore. Et des chercheurs qui ont travaillé sur la danse, le chant, la musique, le costume… Il y en a eu à Kendalc’h et War ‘l Leur, et il y en a toujours à Kenleur ! L’idée de mettre à disposition tous ces matériaux a été à la base du projet Heritaj, encyclopédie de la danse, du vêtement et, plus généralement du patrimoine breton. Comme personne ne peut se targuer d’une connaissance absolue, nous avons sollicité d’autres organismes (Dastum, le Carton voyageur, le Cornouaille, Sonerion…) afin de nous aider dans cette tâche et tendre ainsi vers un travail scientifique le plus rigoureux possible. Heritaj valorise donc l’exceptionnel patrimoine de Bretagne et permet à Kenleur de se positionner comme un incontournable conservatoire des danses et vêtements traditionnels. Un héritage qui ne cesse de nourrir les créations d’aujourd’hui et de demain. Les résultats sont édités sous forme de classeurs de fiches ou mis en ligne sur un site dédié, ouvert à tous et permettant à chacun de s’informer selon ses besoins.

D’autres outils existent :

  • la médiathèque (plus de 13 500 volumes et revues actuellement, les dons et les acquisitions continuent de l’enrichir)
  • la photothèque
  • la vidéothèque (plus de 1000 heures d’enregistrement), qui permettent aux spécialistes des recherches approfondies sur de multiples sujets
  • les collections textile (2228 pièces inventoriées) et iconographique enrichies au cours de ces décennnies méritent aujourd’hui d’être partagées.

Kenleur travaille à la création d’un lieu régional dédié au vêtement traditionnel breton. Les collectivités seront associées tout prochainement à ses réflexions.

Structurer une institution bretonne riche et incontournable

Après quelques semaines d’exaltation et d’euphorie générées par la fusion, nous avons retrouvé la sérénité tout en conservant l’enthousiasme. Afin de stabiliser et de conforter le nouvel ensemble, nous devons à présent structurer une confédération exemplaire et solide qui est déjà un interlocuteur incontournable auprès des collectivités et qui ne cesse de multiplier d’enrichissants partenariats. Créer et mener à bien des projets culturels nouveaux est source de fierté pour la région. Pour assurer cette tâche nous avons une équipe de salariés compétents et enthousiastes mais aussi un énorme réservoir de bénévoles très impliqués permettant à Kenleur d’ouvrir de nouvelles voies et d’être un modèle pour le vivre ensemble.

Bâtir des passerelles pour une culture rayonnante

Kenleur porte en ses gènes le désir d’un mouvement culturel qui décuple les énergies… Les bâtisseurs sont à l’origine de Coop Breizh, Ti-Kendalc’h, Amzer Nevez, Gouelioù Breizh, Kanomp Breizh et les partenariats sont aujourd’hui toujours plus nombreux.

Plus que jamais nous ressentons le besoin de croiser les regards, d’entendre les différents points de vue, même si cela bouscule et remet en cause certaines de nos habitudes : c’est là l’ambition et d’ailleurs l’objectif du cycle de conférences Treuzell. La troisième édition sera d’ailleurs dédiée aux enjeux de transmission et d’imprégnation auprès des jeunes bretons. Pour que, référence à Max Jacob, la Bretagne continue d’être un miracle.

“Elle absorbe les autos, les maisons de le Corbusier, le rouge aux lèvres, sans cesser d’être la Bretagne”.

Kenleur, dont la vitalité et la capacité d’action sont reconnues de tous, aujourd’hui peut compter sur le soutien de nombreuses collectivités : région Bretagne, conseils départementaux du Morbihan et des Côtes-d’Armor, pays d’Auray (fonds LEADER), communautés de communes (Vannes, Auray, Saint-Brieuc) et villes (Saint-Brieuc, Vannes, Quimper). Plus récemment, d’intéressantes relations se sont tissées également avec la DRAC Bretagne, le Ministère de la Culture, la salle Vasse de Nantes, la Kreiz Breizh Akademi, le réseau des offices de tourisme de Bretagne… Si seul on avance plus vite, indéniablement, à plusieurs on va plus loin. Kenleur prend donc une part active aux travaux du conseil culturel de Bretagne, de Bretagne Culture Diversité, de Gouelioù Breizh, du CIOFF, de Kevre Breizh, de Coop Breizh…

De l’avis de certains spécialistes, Kenleur est un conservatoire « unique en Europe ». Si la qualité de son travail est reconnue par tous ceux qui la connaissent déjà, il nous faut relever le défi immense de dépasser la barrière de l’entre-soi. Notre volonté de fédérer nous permet notamment d’impliquer dans notre projet associatif, via le projet Heritaj, des acteurs incontournables de la culture en Bretagne. Tout récemment, la fédération Sonerion, intéressée par le nouveau schéma de formation de Kenleur, a rejoint le projet MOOK.bzh.

Sensibiliser à la diversité culturelle

“Enrichissons-nous de nos mutuelles différences”, disait Paul Valéry.

Nous y souscrivons, évidemment. La Bretagne, terre de bout du monde, a toujours été ouverte aux influences extérieures, les assimilant, les digérant, pour générer sa culture propre et en nourrir d’autres. A notre époque, dans ce monde globalisé, dans cette « monoculture vers laquelle nous tendons » (Claude Levi-Strauss), la Bretagne a son rôle à jouer en gardant précieusement ce qui fait sa différence. Sans refus des apports extérieurs, mais sans soumission non plus. Libre de ses choix et respectueuse de ceux des autres.

Plusieurs projets perrmettront d’expérimenter de nouvelles voies pour faire découvrir nos valeurs en nous enrichissant de la diversité culturelle inhérente à tout territoire. Sans saupoudrage, sans mariage forcé mais bien pour faire sens dans ce qui nous rassemble, ce qui nous invite à faire humanité ensemble.

Poursuivre la bénévole attitude

Pour Kenleur, le bénévolat est essentiel. C’est là une valeur qui n’a cessé d’être réaffirmée tout au long du processus de fusion. Pour le travail effectué, les idées proposées, mais plus simplement parce que c’est l’essence même de la confédération. Tout le système repose en effet sur l’investissement de ces centaines de personnes qui, chacune selon ses possibilités, donnent de leur temps et de l’énergie afin que perdure cette culture à laquelle nous sommes attachés. Administrateurs, serveurs à une buvette, membres des commissions, jurés, moniteurs enfants, brodeuses pour un groupe…

Tous ont un rôle essentiel pour faire fonctionner la confédération. Kenleur n’est pas une structure pyramidale dirigée par une équipe de salariés un peu distante des groupes, mais bien une agglomération de bonnes volontés qui prennent plaisir à œuvrer ensemble pour une belle cause. D’aucuns appellent ça du lien social… Mais soyons aussi réalistes : rien ne serait possible non plus sans ladite équipe qui fédère, orchestre et finalise toutes ces bouillonnantes initiatives. D’autres appellent cela de la bonne intelligence…