Choix du nom de la nouvelle confédération :
Retour sur une étape historique

Une centaine de noms ont été proposés par les membres des confédérations Kendalc’h et War ‘l Leur, mais aussi par des personnes au regard extérieur. Un comité s’est constitué afin de retenir les meilleures options et d’en faire part à des experts en langue bretonne et en image de marque (branding/naming). Après des délibérations avec les élus des deux confédérations, c’est Kenleur qui a finalement été retenue pour sa simplicité, son évidence mais surtout son sens.
Chance extraordinaire, le nom Kenleur conserve le meilleur des confédérations Kendalc’h et War ‘l Leur tout en créant un nouveau mot breton qui a du sens : partager le sol, la scène !
Kenleur est en breton mais lisible dans la plupart des langues, presque inexistant sur Internet avant son adoption par la confédération, facilement mémorisable, et avec un K qui fait partie des lettres emblématiques de la Bretagne.

Ur c’hantad anv e oa bet kinniget gant izili kengevredoù Kendalc’h ha War ’l Leur, mes gant tud arall ivez. Savet e oa bet ur c’homite evit dibab ar re gwellañ ha diskouezhiñ anezho ouzh prizachourion e brezhoneg hag e kemmoed (branding/naming). Kenleur ‘zo bet dibabet evit e eeunded, e anadur hag e ster dreist-holl, war-lerc’h divizoù gant dilenidi an daou gengevred.
Un taol chañs, an anv Kenleur a zalc’h lodenn gwellañ ar c’hengevredoù o sevel ur ger nevez gant ur ster brav : ranniñ ar leur, ar leurenn !
E brezhoneg eo « Kenleur » mes lennus eo e kalz yezhioù, kazi diank e Internet a-raok, aes da eñvoriñ, ha gant al lizher « K » implijet-tre e Breizh.

Kenleur, l’évidence de la simplicité et du sens

Rapidement la question du nom s’est posée comme un vrai enjeu. Les symboles peuvent rapidement devenir des points d’achoppement dans le cadre d’une fusion où les héritages sont des choses sensibles. Plus de 120 propositions ont été recensées, beaucoup s’avéraient intéressantes mais aucune n’est parvenue à s’imposer comme une évidence. Au bout de plusieurs semaines, il nous a semblé nécessaire de questionner un spécialiste de la langue bretonne et un spécialiste de la communication. Nous nous engagions mutuellement à suivre leur préconisation… Bonheur d’avoir eu Francis Favereau et Yves Ollivro comme interlocuteurs privilégiés.

Yves OLlivro

spécialiste de l’image de marque, amoureux des mots

Lorsque l’on m’a demandé de participer à votre réflexion, j’ai ressenti une vraie pression parce que je dois vous dire que j’ai été membre du bagad de Guingamp ; j’ai même défilé à la Saint-Loup, et à l’époque, je jouais de la bombarde parce que le biniou devait être plus grand que moi ! Ensuite, j’ai ressenti une sorte d’émotion intérieure, j’aime la Bretagne, j’aime aussi ceux qui sont capables de s’unir pour avancer ; en montant, comme le disait quelqu’un, sur les épaules de leurs aînés pour voir plus loin ; et là j’ai trouvé formidable que deux associations culturelles aussi fécondes acceptent de perdre une part de leur identité pour inventer ensemble un nouvel avenir.
Une série de noms m’a été soumise, plus d’une centaine, et je crois que cela témoigne vraiment de la richesse de la réflexion, de l’engagement de tous, mais aussi de l’enjeu. Ce qui m’aura le plus surpris en fait, c’est la richesse des propositions, leur vérité, leur ampleur, leur ancrage dans la Bretagne et surtout, ce qu’elles traduisaient de réflexions et d’engagement intime.
Je dis souvent que la communication, c’est le bon sens, la simplicité et la vérité. Un des noms proposés m’est vite apparu comme une évidence, pour plein de raisons : parce qu’il rassemble naturellement les deux associations sans brouiller le passé, parce qu’il est visible par tous, y compris les non-bretonnants, parce qu’il a du sens, parce qu’il sonne comme un appel à se mettre en mouvement, un peu comme un coup de tonnerre au-dessus de la mer, et il marque aussi, me semble-t-il, un profond respect de la Bretagne, tout en appelant à de nouveaux projets.
Nous avons longuement discuté, argumenté ; la proposition qui vous est présentée aujourd’hui s’est progressivement imposée comme une évidence et une chance en même temps. C’est justement sa force ! Le nom est simple, il claque, il cogne, il réveille, et puis il rassemble en invitant au mouvement, à la joie, et puis enfin la douceur ! Je sais que c’est un nom qui durera parce qu’il accueille toutes les initiatives individuelles ou collectives et qu’il s’en nourrira dans le respect de tous ceux qui ont permis aux deux associations de se développer et de se retrouver.
Ce nom est une promesse pour la culture vivante en Bretagne, pour aujourd’hui, pour longtemps, et aussi pour la mémoire d’hier.

Francis Favereau

linguiste, spécialiste de la langue bretonne

Kenleur…

Ken, c’est un préfixe qui est breton, celtique, plus largement indo-européen, et peut-être même davantage. Les mots Ken, on en trouve plein en breton, des pages et des pages, comme des com-, co-, con- en français (copain, compagnon, commun…).

Leur est un mot très ancien, on le retrouve dans tous les bretons. Il a le sens de sol, de parterre, d’aire. Il y aussi al leur nevez, la place en terre battue sur laquelle on dansait.

Leur, c’est le sol, l’aire lorsque l’on avait du blé noir à battre.
On le trouve en gallois également et ça veut également dire le sol. En Irlande, à Galway notamment, plusieurs panneaux « an làr », écrit avec un accent grave, qui se prononce « lor » (assez proche) et veut dire le centre-ville, la place du centre. En Bretagne, « al leur gêr », c’était le placis du village. L’endroit où on dansait, on jouait aux boules, où les femmes éventuellement tricotaient, gardaient leurs enfants, c’était vraiment l’espace en commun.
Citons ici l’exemple de Poullaouen où le cadastre de l’époque de Napoléon (1830) contient quelques centaines de termes « leur ». C’est donc un mot très légitime, pour ce qui est des rassemblements !
On a donc, un premier nom qui est un préfixe qui désigne la communauté, la communion, le co-partage, la coopération, et un deuxième mot qui désigne le sol en tant que « terre des vaches ». La terre où nous sommes et où nous essayons de nous élever en dansant (la Dañs Fisel si on le peut !).
Ce sont donc des mots très ancrés dans le breton. Partout il se prononcera pareil « Kenleur » ; au pire, un Vannetais extrême dira « tchenleur », il palatalisera le « ken » et aura tendance à prononcer plus ouvert le « leur ».
Kenleur désigne bien une mise en commun d’énergies physiques sur la base d’un sol duquel il faut se soulever pour aller vers le ciel dans tous les sens du mot.
Loeiz Roparz avait créé le nom War ‘l Leur, Per Jakez Hélias celui de Kendalc’h. Kenleur est donc une synthèse, une communion entre deux grands personnages de la culture bretonne et de sa littérature écrite et chantée. Hélias, le Bigouden, que j’ai connu assez bien sur ses vieux jours, et Loeiz Roparz, le Poullaouennais, comme moi, qui est devenu une figure du renouveau du fest-noz. On est là vraiment dans le mariage du meilleur !
Donc je vous souhaite le meilleur.
Ar gwellañ !